D’humeur changeante

Dormir dans un backpacker, même dans une chambre individuelle, demande un peu de préparation. Celui d’Oban n’était pas le premier et franchement de loin pas le pire de ce voyage. Son seul gros défaut : les coursives extérieures pour se rendre aux WC. Ce genre de petits détails qui font que, à 2h du matin tu dois enfiler tes chaussures de randonnée et ton pull pour aller soulager ta vessie. Bref, l’avantage c’est que du coup j’ai pu entendre qu’il pleuvait et décaler le réveil le lendemain, de 6h30 à 7h30.

A 7h30 donc, les pleurs du bébé dans la chambre d’à-côté sonnent en même temps que mon réveil, perfect timing ! Je prépare mon sac de randonnée, dépose mes affaires à la réception et me rend dans l’hôtel le plus proche (et le seul en fait) pour y prendre un petit-déjeuner. Trente minutes après avoir passé commande, curieux qu’il faille tant de temps pour préparer quatre toasts et un café, j’interpelle la serveuse. Elle me répond le plus naturellement du monde que le petit-déjeuner est un buffet qui se trouve dans l’autre salle et que je peux aller me servir.

Un peu contrarié d’avoir ainsi « perdu » bêtement une trentaine de minutes, j’engouffre un vieux café filtre et quelques toasts en papier-mâché puis me lance dans la randonnée. Le vieux plan que l’on m’a remis à « l’office du tourisme » indique que l’entrée du parc et le début de la randonnée se trouvent non loin d’ici. Je gravis une première colline, redescend dans la première baie. Le soleil fait son apparition, le moral remonte. Puis vient la seconde colline, plus haute, plus longue aussi, car la route au lieu de la gravir directement se perd dans de multiples méandres. Au sommet : un panneau m’indique que le début de la randonnée est à 4km. Comme je m’en doutais depuis quelques minutes, ma carte n’était pas du tout à l’échelle. C’est donc une heure qu’il convient de compter pour se rendre du village au début de la randonnée, soit deux heures dans la journée qui seront passées sur l’asphalte plutôt que sur les sentiers.

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Le départ du Rakiura est situé à 5km du village d’Oban. Toujours bon à savoir.

Ce genre de petites contrariétés qui embrument le plaisir de marcher ainsi dans la nature. S’ajoute à cela que le sentier n’a rien de vraiment spectaculaire. A l’abri dans la forêt, on entend la mer sans jamais la voir, tandis que la vie animale semble se résumer aux rats, qui eux sont assez nombreux. Bref, j’avoue, je tire un peu la gueule ce matin sur mon sentier et je me sens un peu con d’être venu jusqu’ici pour ça. Le temps semble donc plus que venu de faire une pause, à la fois dans mes contrariétés et dans la marche. De toute manière il est 11h30 et aucune constitution du marcheur international ne proscrit la pause pique-nique avant midi.

Sitôt arrêté, je me souviens pourquoi le soir d’avant, alors que j’avais eu l’idée saugrenue de m’asseoir en terrasse, j’étais finalement rentré pour manger : ma polaire orange doit ressembler à une espèce de fruit géant et attire des hordes de moucherons. Il fait trop froid pour que je me mette en t-shirt et j’ai la flemme de sortir ma veste du sac. C’est donc en pestant contre les insectes que j’avale rapidement mon sandwich puis me remet en route.

Deux options s’offrent à moi : continuer le Rakiura Track, mais la prochaine cabane est annoncée à 3heures, où longer la côte en utilisant le North West Circuit. Je choisis cette seconde option et… tu t’en doute, je le regrette amèrement après une dizaine de minutes. Plus rien à voir avec le chemin précédent. Ici le sentier est laissé à lui-même et l’on enfonce jusqu’aux mollets dans la boue ! Je contourne du mieux que je peux les mares et y laisse une partie de la tige pour l’appareil photo. Décidemment, quelle magnifique balade ! Pour couronner le tout, le temps se gâte et je reçois quelques gouttes. A 12h15, je décide de faire demi-tour, sans quoi le temps risque de me manquer pour revenir prendre mon ferry à 17h.

J’avoue je peste un peu de ne pas avoir pu atteindre au moins la première cabane de ce sentier et entre les coordonnées GPS dans le téléphone avant de faire demi-tour. Le retour se déroule mieux. Je développe une nouvelle capacité, parfaitement inutile dans la vie courant mais fort appréciable ici : contourner les mares de boue. Rapidement de retour sur le Rakiura Track, j’emprunte le chemin en sens inverse et tente tout au long de la marche de prendre quelques clichés et vidéos potables.

J’atteins le début du sentier à 15h, soit deux heures avant de prendre mon ferry, qui ne se trouve « plus » qu’à une heure de marche. Qui plus est : le soleil est de retour et…si je n’ai pas vu de phoques ou de kiwis (oui…je sais…ils vivent la nuit), j’ai tout de même croisé trois biches, ce qui est déjà pas mal pour une île. Bref, le moral revient, je me mets en route et alors que je marche sur une longue plage, je vois qu’un sentier de 4km permet de rejoindre l’endroit d’où je dois prendre le ferry. Je m’y aventure et les superbes paysages achèvent de me remonter le moral.

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De criques en criques, le sentier suit le profil de l’île. Je croise un perroquet et me dis que finalement c’était une excellente idée de faire se petit détour. Jusqu’à ce que je voie un panneau qui indique la distance qui me sépare du ferry : 3,5km. Apparemment, le panneau au début du sentier indiquait la distance jusqu’au point de vue (4km) pas jusqu’au terme du sentier. Or, le ferry est dans à peine plus de trente minutes et je dois encore récupérer mes affaires au Backpacker. Frissons, je me mets à courir…mais après 34km de marche, autant dire que ce n’est pas un sprint ! Heureusement, j’atteins rapidement la route principale et la première voiture que je croise accepte de me conduire au débarcadère. Ses occupantes vont même jusqu’à me déposer au Backpacker pour que je puisse y rechercher mes affaires.

Finalement installé dans le ferry qui me ramène à Bluff, sirotant une bière pendant que les albatros volent d’un bateau de pêche à l’autre, je retrouve le moral et me dis que finalement, mon humeur aura été à l’image de la météo insulaire : changeante, souvent voilée mais ensoleillée dans l’ensemble.

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PS : Après vérification, j’ai fait demi-tour à moins d’un kilomètre de la cabane.

Une réflexion sur “D’humeur changeante

  1. Ton dernier article m’a tué ! 😀 Et surtout, il me rappelle ces randonnées en France où tu croises un 1er panneau t’indiquant 2h de marche avant d’atteindre ton objectif et 30 minutes après, toujours sur le même sentier, tu en croises un autre qui t’indique toujours 2h de marche… 🙄 Profite bien et à tout bientôt !

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