A la rue !

Cinquième jour au Japon. Après une nuit glaciale passée dans l’ancienne école de Dana, nous mettons le cap sur Sendai, un million d’habitant, à 300 kilomètres au nord de Tokyo. Arrivés sur place, une fois franchi le portail électrique, nous pénétrons dans la demeure de Mitsu. La villa possède un grand parking et un jardin zen de toute beauté. Le vieil homme ne parle que quelques mots d’anglais, juste assez pour nous demander de revenir au salon trente minutes plus tard, de façon à ce qu’il puisse nous initier à la cérémonie du thé.

Rendez-vous est pris et une trentaine de minutes plus tard nous nous retrouvons chaussés de Geta (sorte de tongs en bois traditionnelles) et nous dirigeons dans le petit temple situé dans le jardin. Là, accroupis sur des tatamis, Mitsu nous initie à la complexe cérémonie du thé. Les gestes, les postures et les paroles sont précises et protocolées. Chaque ustensile est d’abord soigneusement inspecté par le maître, puis dans une série de mouvements chorégraphiés, ce dernier plonge une louche dans une jarre emplie d’eau chaude. Il verse l’eau dans un bol, dans lequel il avait préalablement placé de la poudre de thé vert. Cette dernière est mélangée à l’aide d’une sorte de pinceau en bambou. Le bol de thé est ensuite savamment retourné, de manière à ce que son ornement extérieur soit tourné vers l’invité, puis le maître tend le bol, on s’en saisi et on le boit. Le rituel recommence alors à l’inverse et c’est au tour du second invité. On partage également un morceau de sucre et un biscuit.

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Chaque geste est millimétré, chaque parole savamment codifiée. Le maître réalise l’enchaînement de manière si naturelle que cela semble simple. On s’aperçoit de la complexité de la chose lorsque nous-même l’expérimentons. Saisir de manière correcte un bol nous prend une dizaine de minutes environ. Pourquoi tant de codes ? C’est que la cérémonie du thé relève du spirituel ici. C’est une voie pour atteindre la zénitude. Or du temps (dans le temple), effectuant des gestes ancestraux et répétant des séries immuables, on s’ouvre à la voie de la méditation et l’on se dirige vers la paix intérieure. Un peu plus d’une heure plus tard (qui nous a paru durer dix minutes), on ressort du petit temple un peu groggy. Quel pays paradoxal tout de même, quel grand écart entre les travées criardes d’Akihabara et le petit temple de Mitsu.

Encore un peu perdu dans nos pensées suite à cette initiation, nous nous dirigeons vers le restaurant le plus proche, une petite échoppe coréenne située à cinq minutes de là. Nous y sommes les seuls clients, à l’exception de deux femmes. Nous comprenons rapidement que la plus âgée est la mère de la propriétaire des lieux. Tout le monde s’amuse d’avoir des touristes dans le commerce et la grand-mère tient absolument à partager avec nous une bouteille de saké coréen (du Soju). Nous acceptons bien sûr et passons commande d’un plat « surprise » (on a vaguement compris qu’il y avait du bœuf dedans). L’alcool n’est pas trop fort (17% d’alcool, l’équivalent d’un Martini). C’est un distillé de riz dont le goût légèrement anisé rappelle l’Ouzo. Le plat arrive, royal, il s’agit de grandes feuilles de salade, dans lesquelles on place le bœuf qui grille sur une ardoise, accompagné de radis au vinaigre et d’une sauce tomate. C’est délicieux et l’on trinque à la santé de la grand-mère (« mama Korea »). Cette dernière nous apprend (si l’on a bien compris) qu’elle voyagera dans cinq mois en Suisse. Le monde est décidemment un village J Le repas s’achève par un thé au grapefruit, comme cela arrive parfois ici, au lieu de thé il s’agit d’une sorte de confiture sucrée que l’on trempe et mélange dans de l’eau chaude. C’est délicieux également.

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Le sixième jour, nous traversons le pays et nous rendons du côté de la mer du Japon, à Niigata. Le lieu nous a été recommandé car on y dégusterait les meilleurs sushis de l’île. Après quelques hésitations, nous réservons une chambre dans un immeuble de la ville et nous mettons en route. En passant, nous faisons une petite halte dans un parc national situé sur la route. Le lieu doit être magnifique en été, car les fontaines et les espaces fleuris s’étendent à perte de vue. En cette période de l’année cependant seule l’herbe brulée subsiste. Un petit village constitué de reproductions de maisons traditionnelles agrémente cependant la visite.

Arrivés de nuit à Niigata, nous galérons pour trouver le logement. C’est un classique ici, les adresses d’Airbnb ne correspondent pas du tout à la réalité. Contactée par téléphone, la propriétaire sort du bâtiment et part à notre rencontre. Elle nous emmène sur les lieux, il s’agit en fait d’une auberge de jeunesse située dans un vieil immeuble. La « chambre » se situe au dernier étage, les lieux sont sales et froids. Au bout d’un corridor éclairés par des néons criards et jonché de vieux cartons, une porte en bois derrière laquelle la propriétaire nous montre nos couchettes. En fait d’une chambre, il s’agit d’un dortoir dans lequel douze à treize personnes dorment sur des lits à étage poussiéreux. L’ensemble ressemble au logement des ouvriers chinois que l’on peut parfois voir dans des reportages. Nous la remercions et prétextons retourner à la voiture pour la parquer. Il est évident que nous ne remettrons pas les pieds dans ce lieu. Problème cependant : il est 20h30 et nous n’avons aucun logement. La priorité reste cependant de trouver un restaurant. Malheureusement les sushis ferment à 21h, nous nous rabattons alors sur un « fusion food » vu en passant. Le lieu semble ultra tendance et l’atmosphère vivante des lieux, une portion généreuse de viande et des bières nous remontent le moral. Nous n’avons cependant toujours pas trouvé de logement et tant sur Airbnb que sur internet, impossible de réserver une chambre pour la nuit. Un serveur nous conseille de tenter notre chance à l’hôtel en face du restaurant, ce que nous faisons. Malheureusement l’établissement est complet. La réceptionniste épluche son annuaire et appelle une dizaine d’hôtels alentours : tous complets. Même constat dans un établissement voisin.

Il est désormais 22h et nous n’avons toujours pas de logement. On se rend à l’évidence : impossible de dormir dans cette ville. Dans la localité voisine (à une heure de voiture) un hôtel nous indique cependant avoir encore une chambre. Le réceptionniste qui est le seul employé qui parle anglais, nous informe qu’il nous attendra. Arrivés sur place, nous prenons nos quartiers au Echizenya Hôtel. Etablissement dont la période de gloire devait se situer dans les années twists. Peu importe, les lits sont confortables et la salle de bain a de l’eau chaude. Fin de l’aventure pour ce cinquième jour et repos du guerrier mérité avant de mettre le cap le lendemain sur les singes de Jigokudani, les macaques qui se baignent dans les sources d’eau chaude !

Camille & Michael

 

 

 

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