Voie suisse

Elle serpente du Grütli à Brunnen sur près de 35 kilomètres et symbolise l’union des cantons à l’occasion du 700e anniversaire de la Confédération. Elle, c’est la voie suisse. L’itinéraire pédestre n°99 que j’ai emprunté ce lundi matin sur 23 kilomètres entre Morschach et Bauen.

Mais avant cela, petit retour sur la visite d’hier en ville de Lucerne. Le temps étant pluvieux c’est au musée suisse des transports que nous avons décidé de le passer. Sur près de 22’500 mètres carrés, plus de 3’000 moyens de locomotion y sont exposés. Ouvert en 1959 la structure aurait normalement dû voir le jour à Zurich, mais faute de place c’est en Suisse centrale que ce mastodonte a été inauguré. En plus des engins de transports, le site regroupe également une exposition sur le chocolat, un planétarium et un cinéma IMAX.

Nous nous sommes « contentés » de la partie consacrée aux transports. Démarrage dans les airs avec des modèles aussi divers qu’un hélicoptère de la Rega, visite de l’intérieur d’un ancien Convair Coronado 990 de Swissair. Le même modèle que le SR-330 Zurich-Tel Aviv, tristement célèbre pour s’être écrasé le 21 février 1970 près de Würenlingen à la suite de l’explosion d’une bombe placée par par le Front populaire de libération de la Palestine. Dans la salle suivante exposition de locomotives et démonstration du fonctionnement d’une machine à vapeur. Contrairement à mon souvenir d’enfance, les machines ne sont désormais plus accessibles à l’intérieur, on se contente donc d’observer de l’extérieur les monstres d’acier ou le charmant premier tramway électrique de Suisse (et le deuxième au monde), affecté à la ligne Vevey-Montreux-Chillon. Passage dans la halle des automobiles et du cyclisme. L’occasion de redécouvrir les productions de Monteverdi, le dernier producteur de voitures en Suisse. Notre tour s’achève dans les cales du Rigi, « le plus vieux bateau à double roues à aubes et à vapeur ». Sans machine et sans mouvement, c’est un peu moins impressionnant toutefois. L’étage est consacré aux engins à câbles, de la télécabine au funiculaire. Une maquette reproduit d’ailleurs une cabine du funiculaire de Stoos et sa déclivité, mais là aussi la machine est en panne.

Avion Coronado de Swissair.

Sortie en fin de journée du musée et cap sur le lac de Lauerz dans le canton de Schwytz. Le lendemain, comme prévu, la pluie a cessé mais le ciel reste couvert. Le temps idéal pour une longue randonnée en basse altitude. C’est exactement ce que j’ai prévu et c’est ainsi que je me retrouve à Morschach, sur les hauteurs de Brunnen. La première chose que l’on remarque en arrivant ici c’est l’immense complexe de vacances « Swiss Holiday Park ». Un mastodonte qui emploie près de 260 personnes et accueille chaque année plus de 600’000 visiteurs. Le van parqué un peu à l’écart, je m’engage sur le sentier 99, la célèbre « voie suisse ». Les premiers kilomètres partent à l’assaut de la montagne le long d’une petite route. Ponctuellement les fermes alentours mettent à disposition un petit frigo avec divers produits locaux pour les randonneurs, jus de fruits, fromages, viandes séchées notamment. Pour le reste rien de spectaculaire sur ce premier tronçon. À quelques mètres du « sommet » de la randonnée, un premier panneau sur le bord de la route m’intrigue. En français, il mentionne la ligne de partage des eaux et porte l’écusson du Canton de Vaud. L’explication arrive quelques mètres plus tard. La voie suisse se sépare en 26 tronçons, autant que les cantons. Chacun « possède » ainsi un certain nombre de kilomètres, en fonction de sa population et la répartition entre Brunnen, le l’arrivée et Rütli, le départ, suit l’ordre d’entrée des cantons dans la Confédération. Puisque je fais le chemin en sens inverse, le tronçon que je viens de passer était celui du canton du Valais (qui n’a manifestement pas procédé à des aménagements) et j’entre donc dans la partie vaudoise. Cette fois les installations ponctuent régulièrement la randonnée. Parfois de simples blocs de béton, parfois des bancs ou des installations pour le pique-nique. Au-dessus d’une citation de Charles-Ferdinand Ramuz, les autorités vaudoises indiquent avoir tous les cinq kilomètres « tenté de capter l’esprit des lieux, l’égrégore ». Me voici instruit d’un nouveau mot !

Au-dessus de Sisikon le chemin bifurque dans la forêt et redescend en direction du lac. La section vaudoise cède la place au canton du Tessin, bien plus chiche dans ses aménagements. De Sisikon à la Tellplatz le sentier dispute le bord du lac avec le train et la route. Parfois cette dernière et le premier partagent les mêmes aménagements. Me voici donc en train de marcher dans un tunnel autoroutier de plusieurs kilomètres. Comme symbole du pays d’Heidi on a vu mieux !

Aux abord de la Tellsplatte cependant un carillon se fait entendre au loin. Je songe d’abord à la chapelle, érigée là où Guillaume Tell aurait prétendument sauté du bateau du bailli Gessler pour lui échapper. Les cloches semblent cependant sonner plus haut et en effet, plusieurs mètres au-dessus je découvre la source de la mélodie. Une immense infrastructure extérieure s’active les dix premières minutes de chaque heure. Don de l’industrie chocolatière suisse, le carillon composé de 37 cloches était le plus grand de Suisse jusqu’en 2004 (désormais c’est celui de l’abbaye de Saint-Maurice). Entièrement automatisé, il permet aux visiteurs de sélectionner une mélodie de leur choix, qui est ensuite jouée grâce à un ordinateur qui active les cloches. Il paraît que les capitaines des bateaux de la compagnie qui navigue sur le lac des Quatre cantons peuvent aussi l’actionner à distance en choisissant leur mélodie par SMS !

La suite de la voie alterne entre bord de lac et bord de route jusqu’à Flüelen. De là, le sentier traverse l’embouchure de la Reuss. Une réserve naturelle où les cantons des Bâle ont aménagé des passerelles pour observer les oiseaux. Le chemin remonte ensuite sur l’autre rive, le long de la section de Fribourg, qui a aménagé diverses structures et autant de clin d’œil aux lieux mythiques du canton. Suit enfin la très longue et impeccable section bernoise et la traversée de différentes galeries, cette fois exclusivement piétonne.

Le ciel se couvre encore un peu plus et les premières gouttes se mettent à tomber alors que j’atteint Bauen. De là, la voie Suisse repart à l’assaut de la montagne et n’offre plus aucune connexion aux transports publics pendant près de 2h30. Comme il est déjà tard, je décide de prendre le dernier bateau et achève les derniers kilomètres, notamment les bords de la mythique prairie du Grütli, en naviguant à bord du « Schwytz », récemment rénové.

Débarquement à Brunnen et transfert en car jusqu’à Morschach, me voici à nouveau au van en toute fin de journée. Pendant la traversée j’ai cherché et trouvé le prochain lieu où je me rendrais. À une heure de route à l’Est se trouve, dans les alpes glaronnaises, un lieu extrêmement sauvage qui m’intrigue depuis un moment : la Klöntal et son lac aux faux airs de Fjord islandais.

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